Le groupe de supporters parisiens Liberté pour les abonnés. © Le10sport.com
Quel est le but d'ADAJIS (Association de défense et d'assistance juridique des intérêts des supporters) ?
Dans les faits, ADAJIS est la suite du mouvement Liberté pour les abonnés (LPA). Nous l'avons crée en 2010 suite à l'application du plan Leproux. Le plan Leproux était quelque chose de transitoire[1]. Le problème c'est que le dialogue a été coupé au niveau du club et des autorités. On s'est retrouvé à se battre contre la répression alors que l'idée initiale était d'instaurer un dialogue. Nous avons commencé par soutenir les victimes collatérales de ce plan. Tout le monde sait que ces mesures ont été prises contre des supposés ultras violents, mais ce sont finalement plus de 13 000 supporters qui en ont fait les frais. Donc il fallait faire quelque chose en impliquant les supporters. Une structure associative s'est montée pour se faire entendre des grandes instances.
Quelles ont été vos propositions à la Ligue de Football Professionnel ?
Nous n'avons rien inventé. L'idée était de formaliser des chartes par écrit, des règlements à respecter permettant de structurer les relations entre les clubs, les supporters et la Ligue. Tout simplement. À l'époque on s'appuyait sur le Supporter Liaison officer[2] (SLO) en expliquant qu'il fallait un cadre dans le club qui s'occupe de formaliser les échanges entre les supporters, les clubs et la Ligue. On cherchait à élargir les chartes, structurer les relations. Malheureusement, quand il y a un problème du côté des dirigeants par exemple, c'est les supporters que l'on pointe du doigt. Et comme il n'y a pas d'écrit, c'est facile.
« L'association nationale des supporters a acquis un nouveau statut»
Que reprochez-vous aux grandes instances du football français?
Aujourd'hui, quand vous faites un déplacement, vous vous retrouvez souvent dans un parcage où il n'y a ni buvette, ni toilettes. Or, le règlement LFP est clair. C'est une obligation légale. Nous voulons bien faire des efforts à condition que le règlement soit respecté. Il n'est pas normal qu'un délégué de la LFP passe son temps à compter des fumigènes mais n'aille même pas voir s'il y a des toilettes. C'est un exemple que j'utilise car il est fort. Boire et uriner sont des besoins nécessaires. Cela montre que la Ligue s'en fout. On entend souvent à juste titre, « traitez les supporters comme des animaux et ils se comporteront comme des animaux ». C'est une réalité.
En tant qu'association, vous n'avez pas un poids supplémentaire dans le dialogue? Est-ce que la Ligue de Football Professionnel vous écoute?
Maintenant, de plus en plus. L'association nationale des supporters a acquis un nouveau statut. Nous pouvons nous retrouver en contact direct avec la Ligue, sachant que la présidente, Nathalie Boy De La Tour, veut changer les choses. Mais au sein de la LFP, il y aussi des vieux de la vieille, représentés par Didier Quillot, partisans de l'inertie et totalement fermés aux négociations. Regardez en Europe, il existe des modèles qui fonctionnent à merveille. Je pense notamment à la Suède. En changeant quelque peu la politique et en instaurant un dialogue, ils ont réussi à remplir les tribunes en moins de 4 ans sans avoir Neymar sur le terrain. Cet exemple montre bien que la politique envers les supporters peut avoir un impact sur l'affluence dans les stades.
« Il faut changer l'état d'esprit et le discours »
Dans ce cas, quel est le problème en France?
Il faut changer l'état d'esprit et le discours. Les gens sont pragmatiques. Si vous expliquez aux clubs qu'ils ont tout à gagner, ils changeront. Prenons l'exemple du club de Strasbourg : ce n'est pas un club financièrement puissant mais grâce à ses supporters, il est diffusé, on en fait la publicité et on parle de lui.
À Paris, en ce qui vous concerne, c'est un peu particulier non?
Je suis supporter depuis 1983. J'ai était abonné pendant très longtemps. Aujourd'hui, il y a eu une restructuration en interne. De nouvelles personnes ont intégré le club. Il y a eu beaucoup de changement...
Vous allez toujours au stade?
De temps en temps. Mais financièrement je ne peux pas m'y rendre à chaque match. Cela me coûterait trop cher.
« J'ai du mal à comprendre à quoi sert la Ligue»
Le prix des places a t-il augmenté significativement depuis l'arrivée du Qatar au PSG ? Les supporters ont-ils eu leur mot à dire sur la question ?
Avec ADAJIS, nous voulions baisser les tarifs des parcages pour les visiteurs. Les places tournent aux alentours de 30 euros. Mais il faut être honnête vis-à-vis du PSG, le club ne décide pas seul des tarifs. Ils discutent avec le club adverse. Parfois, le club adverse définit un prix élevé et finit par mettre cela sur le dos du PSG. Cela leur permet d'afficher les mêmes tarifs au match retour. Nous avons un cas concret où nous avons réussi à avoir des tarifs moins élevés que celui demandé par le club visiteur. C'était pour le match PSG-Toulouse. Les Toulousains avaient demandé 35 euros, faisant croire aux supporters que c'était la faute du PSG. Manque de bol, désormais les supporters se parlent entre eux, notamment par le biais de l'association nationale des supporters. Ils ont compris que c'était leur propre club qui se moquait d'eux. C'est toujours pareil, il faudrait que cela soit réglementé. Personnellement, j'ai du mal à comprendre à quoi sert la Ligue.
C'est-à-dire?
Aujourd'hui, il y a une nouvelle loi qui impose au club d'avoir une personne dédiée aux relations entre supporters, clubs et autorités[3]. Il est en contact permanent avec les associations de supporters mais il garde également un œil sur la billetterie etc. C'est une obligation en France pour les clubs. Mais quand on est confronté à des délégués qui ne savent pas à quoi sert le référent supporter, ni quel est son rôle, c'est désolant. Il n'y a aucune communication au sein de la Ligue. À quoi servent-ils?
« On nous parle de tolérance zéro mais quand je vois Aulas craquer un fumigène et ne pas être sanctionné »
Que faut-il changer à la Ligue française de Football Professionnel, selon vous?
Les choses changent tout doucement. Il y a des cadres à la discussion : les tribunes debout, le référent supporter... Mais ce serait bien que ce soit la Ligue qui porte ces projets et non des parlementaires. Des déclarations stipulent qu'ils sont favorables aux tribunes debout. Paradoxalement, la Ligue ne donne aucune nouvelle pour travailler sur le sujet. En revanche, ils sont comme des fous quand il s'agit des fumigènes. Quand vous avez un président qui n'est pas capable de faire la différence entre un pétard et un fumigène, et derrière prend la parole dans la presse pour dire que les fumigènes sont dangereux, cela n'a pas de sens. Un fumigène n'explose pas. Ce que je leur reproche, c'est de s'exprimer sur un sujet qu'ils ne connaissent pas. Si le dossier est pris en main, nous pourrions en discuter avec l'association des supporters pour constater le niveau de dangerosité des fumigènes et aller frapper à la Commission de discipline pour dire que nous pouvons changer les choses. C'est toujours mieux que de fermer les stades. On a voulu nous parler de « Tolérance Zéro » mais quand je vois Aulas craquer un fumigène et que derrière il n'y a pas de sanctions... ce n'est pas crédible. On aimerait que la Ligue soit ouverte au dialogue, qu'elle discute.
Trouvez-vous que la politique envers les supporters est répressive?
Elle est totalement répressive. Aujourd'hui, on a donné la possibilité aux clubs de faire des listes et d'exclure des supporters du stade. Par exemple, nous discutons actuellement du cas d'un supporter qui a vu son abonnement suspendu par le club. Il a été interpellé pour utilisation de fumigènes mais il n'est pas passé devant le juge car il n'y a pas de poursuites. Ce qu'il faut savoir, c'est que le côté administratif a pris le pas sur le côté judiciaire. En gros, vous êtes condamné et vous devez vous défendre ensuite. Dans une démocratie, cela pose question.
Comment expliquez-vous que les interdictions de déplacements soient si nombreuses en France?
En fait, dans les grands championnats européens, ces interdictions sont relativement anecdotiques. Elles s’utilisent vraiment en dernier recours. Sans vouloir offenser les supporters de Caen, ce n'est pas un cliché de dire qu'ils sont réputés « bon enfant » et que ce ne sont pas des fauteurs de troubles. Pourtant, eux sont aussi sujets à des interdictions de déplacements... Certains préfets ne sont pas fermés à la discussion. Ils écoutent les arguments des clubs et des supporters. Mais ce n'est pas le cas de tous...
[1]Le Plan Leproux a été instauré au printemps 2010 pour pacifier l'ambiance du stade parisien, notamment par la dissolution de plusieurs groupes de supporters réputés dangereux et l'instauration du placement aléatoire dans les tribunes.
[2]Article 35 du Règlement de l'UEFA sur l'octroi de licence aux clubs et le fair-play financier. Le SLO ou Référent supporter est un intermédiaire chargé des relations avec les groupes de supporters.
[3]Le Référent supporter ou SLO. (voir note 2)
James Rophe : « J'ai du mal à comprendre à quoi sert la LFP »
Qui de mieux que James Rophe pour défendre les intérêts des supporters? Passionné de football et supporter du Paris Saint Germain depuis 1983, James Rophe est également porte-parole de l'ADAJIS et membre de l'Association Nationale des supporters. Il a accepté de se livrer sans concession sur les relations entre les supporters et les grandes instances du football français.