Le volet pénal de la répression
Les infractions pénales susceptibles de s'appliquer à des faits commis par des supporters sont nombreuses.
- Il peut s'agir d'infractions de droit commun, que l'on trouve pour l'essentiel dans le Code pénal
- ou d'infractions spécifiques regroupées dans le Code du sport. Les personnes reconnues coupables de ces infractions encourent : Des peines d'emprisonnement et d’amende mais aussi, le cas échéant, une peine complémentaire d'interdiction de stade pouvant aller jusqu'à cinq ans.
Les infractions de droit commun
- des violences volontaires sans circonstances aggravantes ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à huit jours constituent une contravention de la 5e classe passible de 1 500 € d'amende (c. pén., art. R. 625-1).
- des violences volontaires sans circonstances aggravantes ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours constituent un délit passible de trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende (c. pén., art. 222-11) ;
- des violences volontaires avec circonstances aggravantes ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours constituent un délit passible de trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende (c. pén., art. 222-13) ;
- des violences volontaires avec circonstances aggravantes ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours constituent un délit passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende (c. pén., art. 222-12) ;
- des violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner constituent un crime, passible de quinze ans de réclusion criminelle (c. pén., art. 222-7).
Constitue notamment une circonstance aggravante le fait que les violences soient commises sur une personne dépositaire de l'autorité publique, ou à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou encore avec usage ou menace d'une arme ou en réunion...
D'autres infractions de droit commun peuvent trouver à s'appliquer aux supporters, comme :
- les menaces de violences (c. pén., art. 222-17, 222-18 et R. 623-1)
- les injures non publiques (c. pén., art. R. 621-2 et R. 624-4),
- les destructions, dégradations et détériorations de biens (c. pén., art. 322-1 s.)
- l'outrage (c. pén., art. 433-5) et notamment l'outrage au drapeau tricolore ou à l'hymne national (c. pén., art. 433-5-1)
- la rébellion (c. pén., art. 433-6), etc.
La peine complémentaire d'interdiction de stade
Outre les peines principales d'emprisonnement et d'amende, le juge peut prononcer à l'encontre des personnes reconnues coupables des infractions définies aux articles L. 332-3 à L. 332-10 du code du sport une peine complémentaire d'interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords d'une enceinte où se déroule une manifestation sportive, et ce pour une durée qui ne peut excéder cinq ans (c. sport, art. L. 332-11).
La personne condamnée à cette peine complémentaire est astreinte par le tribunal à répondre, au moment des manifestations sportives, aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée que la juridiction désigne dans sa décision (autorité de police ou de gendarmerie). Cette décision peut prévoir que l'obligation de « pointage » s'applique au moment de certaines manifestations sportives, qu'elle désigne, se déroulant sur le territoire d'un État étranger.
À noter enfin que le fait de pénétrer ou de se rendre dans ou aux abords d'une enceinte
sportive où se déroule une manifestation sportive, en violation d'une peine d'interdiction de stade, est passible de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. Il en va de même si l'intéressé se soustrait, sans motif légitime, à son obligation de « pointage ».
Le volet administratif de la répression
Ce volet prend la forme de différentes mesures de police pouvant être
prononcées par les autorités administratives. Il peut s'agir :
- d’arrêtés préfectoraux interdisant à une personne de pénétrer ou de se rendre aux abords d'une enceinte sportive où se déroule une manifestation sportive
- d’arrêtés préfectoraux ou ministériels interdisant le déplacement de supporters
- ou encore de décrets portant dissolution ou suspension d'activité d'associations ou de groupements de fait de supporters.
Les interdictions de stade
Les interdictions administratives de stade ont été instituées par la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant diverses dispositions relatives à la sécurité. À l'origine, une interdiction administrative de stade ne pouvait excéder trois mois.
- La durée maximale a été portée à six mois (douze mois en cas de récidive) par la loi n° 2010-201 du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public
- puis à douze mois (vingt-quatre mois en cas de récidive) par la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2).
Aux termes de l'article L. 332-16 du code du sport, l'interdiction peut être prononcée par le préfet, par arrêté motivé, lorsqu'une personne constitue une menace pour l'ordre public :
- soit par son comportement d'ensemble à l'occasion de manifestations sportives
- soit par la commission d'un acte grave à l'occasion de l'une de ces manifestations
- soit du fait de son appartenance à une association ou un groupement de supporters ayant fait l'objet d'une dissolution, ou de sa participation aux activités d'une association ou d'un groupement de supporters ayant fait l'objet d'une suspension d'activité.
L'arrêté, valable sur le territoire national, fixe le type de manifestations sportives concernées. Il peut imposer à la personne une obligation de « pointage » au moment des manifestations objet de l’interdiction.
Le fait de ne pas se conformer aux prescriptions de l'arrêté est puni d'un an d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende.
Les interdictions de déplacement de supporters
La loi du 14 mars 2011 susvisée a introduit dans le code du sport deux nouvelles dispositions qui permettent au ministre de l'Intérieur et aux préfets de restreindre la liberté de circulation des supporters d'une équipe dont la présence à l'occasion d'une manifestation sportive est susceptible d'occasionner des troubles graves pour l'ordre public (c. sport, art. L. 332-16-1 et L. 332-16-2).
- Le ministre de l'Intérieur est compétent pour les matchs à l'extérieur. Il peut, par arrêté, « interdire le déplacement individuel ou collectif » de supporters. Les préfets de département sont compétents pour les matchs à domicile. Ils peuvent, par arrêté, « restreindre la liberté d'aller et de venir » des supporters.
- L'arrêté doit énoncer la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait qui la motivent ainsi que les communes de départ et de destination (matchs à l'extérieur) ou le territoire (matchs à domicile) sur lequel elle s’applique.
Là encore, la violation de ces mesures administratives est assortie de sanctions pénales (six mois d'emprisonnement et 30 000 € d'amende).
- Les textes prévoient en outre qu'en cas de condamnation, la personne encourt obligatoirement une peine complémentaire d'interdiction de stade d'une durée d'un an (sauf décision contraire spécialement motivée).
La dissolution ou la suspension d'activité d'associations de supporters
Peut être dissous ou suspendu d'activité pendant douze mois au plus par décret, après avis de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, toute association ou groupement de fait ayant pour objet le soutien à une association sportive mentionnée à l'article L. 122-1,
Une politique de lutte encore limitée
Aucun incident majeur dans les stades ces dernières semaines... On pourrait croire que les pouvoirs publics ont remporté le pari de la sécurisation.
Les forces de l'ordre face aux supporters lors de l'Euro 2016 (Crédit JDD)
Méfiez-vous des apparences... les stades ont beau être sécurisés, les spécialistes dénoncent la vision restrictive de cette politique de lutte contre les supporters les plus radicaux. Pour Nicolas Hourcade, sociologue, « la mobilisation manque de constance et n'est souvent effective que lorsque les problèmes sont rendus visibles. » Et ce n'est pas la création de la Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme (DNLH), en 2009, qui est en mesure de tout régler.
Dans l'urgence
La violence ayant toujours réussi à s'adapter au durcissement des règles, les pouvoirs publics sont parfois obligés de réagir dans l'urgence. Des décisions hâtives qui n'apportent pas de réelles réponses au fond du problème, puisqu'elles ne reposent pas toujours sur le bon postulat de départ. Pour Nicolas Hourcade, « cette politique de lutte se construit sur des chocs émotionnels et sur un comportement d'insécurité plus que sur une connaissance précise des supporters. » Au final, ces mesures sont rapidement remises en cause à la moindre apparition d'un nouveau problème.
A l'origine, le hooliganisme n'est pas un mal français. Ce sont les britanniques qui, les premiers, ont du lutter contre la radicalité de certains groupes. Résultat : près de 3 000 supporters ont été interdits de stades. Une politique du chiffre transposée à la France pour régler ses propres problèmes. De fait, quantité de supporters ont été interdits de stades sans qu'ils n'aient eu une réelle implication dans des faits de violences...
Déshabiller Paul pour habiller Jacques
Les stades sont sécurisés... c'est un fait. Les CRS sont souvent présents en nombre dans et hors des enceintes. Pour autant la violence n'a pas totalement disparue. Certains joueurs d'origine africaine sont souvent victimes de cris de singes durant les matchs... Hors des stades, la violence est toujours présente. Nicolas Hourcade, note que « ceux qui consentent à la violence s'organisent de mieux en mieux pour planifier des fights loin des regards des forces de l'ordre ». Loin d'éradiquer la violence, la politique de sécurisation des enceintes sportives a contribué à la déplacer dans l'espace et dans le temps.
Ces mesures d'interdictions ont beau être très efficaces, puisque dissuasives, elles peuvent pourtant être perçues comme attentatoires aux libertés individuelles et donc profondément injustes. La décision administrative est de plus en plus plébiscitée étant donné la longueur du temps judiciaire. A présent, les interdictions peuvent être formulées à titre préventif et ce sur une simple potentialité de trouble à l'ordre public. Une justice d'exception que dénoncent les supporters et les spécialistes de la question. « C'est une vision restrictive de la prévention des violences. Elle privilégie le versant situationnel, et les recours aux interdictions de stades, plutôt que le dialogue avec les supporters. » Pour Nicolas Hourcade, « l'enjeu paraît donc de permettre l'expression des supporters tout en définissant clairement ce qui est tolérable et ce qui ne l'est pas ».