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Le Sport Power russe mis à l'épreuve

 

A moins de six mois de l'accueil de la Coupe du monde de football 2018, les projecteurs sont braqués sur la Russie. Une médiatisation qui n'est pas forcément pour déplaire à Vladimir Poutine, mais qui pourrait aussi s'avérer dramatique.

Le sport : un instrument de communication politique

Annexion de la Crimée, intervention en Syrie... Vladimir Poutine a du montré ses muscles pour que la Russie soit de nouveau prise au sérieux sur le plan international. D'ailleurs, le chef du Kremlin joue sur tous les terrains et notamment celui du sport. Pourquoi chercherait-il à accueillir les plus grosses compétitions sportives si ce n'est pour faire passer un message au monde ?

 

Poutine mise sur le sport power

 

            Bien entendu, une politique étrangère musclée n'est pas forcément l'outil idéal pour amadouer les occidentaux... Mais alors, comment faire pour avancer ses pions sur l'échiquier international sans froisser ses homologues ?

 

            A son accession au pouvoir, au début des années 2000, Poutine s'est souvenu qu'une politique sportive rondement menée pouvait avoir son utilité. Pas question d'en faire un outil de promotion d'une idéologie comme cela a longtemps été le cas au temps de l'URSS... D'ailleurs « un décret publié en 2009 annonce clairement que le sport doit être utilisé à des fins de soft power pour polir l'image du pays à l'international », rappel Lukas Aubin, spécialiste de la gouvernance par le sport en Russie. Conformément à son plan, le président russe va exploiter le filon pour lustrer l'image de son pays aux yeux du monde. En somme, il adopte la philosophie d'un joueur de curling, propulsant sa pierre avant de laisser les balayeurs polir la glace pour que le marbre glisse plus facilement et finisse par atteindre sa cible.

 

Une arme de séduction massive

 

            Au début des années 2000, celui que l'on surnomme le nouveau tsar de Russie va  donc se lancer un challenge ambitieux : se servir du sport pour montrer le visage -crispé- d'une Russie plus ouverte. Utile ce sport, puisqu'il lui permet aussi « d’asseoir son pouvoir politique en faisant montrer patte blanche aux oligarques russes, qu'il encourage a tout faire pour accueillir des événements sportifs dans les régions fédérées du pays », note Lukas Aubin.

 

            Les oligarques s’exécutent. Gazprom, Tatneft, Lukoil... autant de groupes puissants qui prennent les choses en main et investissent sans compter pour satisfaire les envies de l'homme le puissant de Russie. Une politique qui paye dans un premier temps puisque le pays accueille successivement les Universiades d’été 2013, les jeux Olympiques d’hiver 2014, les Championnats du monde de natation 2015 et... la Coupe du monde de football 2018. Autant de prétextes pour investir dans le développement du sport professionnel et dans des infrastructures sportives toujours plus modernes.

 

A double tranchant

 

            Qu'importe si les villages sortis de terre son laissés à l'abandon, l'essentiel est d'accueillir le plus d'événements possible pour se montrer sous un jour positif. Pour Lukas Aubin, cette stratégie politique contribue à flouer le rapport à la Russie d'aujourd'hui : « Entre l'image d'ours mal léché et les gestes tendres à destination du monde, le téléspectateur ne sait plus vraiment à qui il a affaire ».

 

            Si Vladimir Poutine aime attirer la lumière sur son pays, il n'en reste pas moins que c'est un pari qui peut s'avérer être à double tranchant. Le moindre grain de sable et c'est la catastrophe. Avec la menace des hooligans, la Coupe du monde 2018 pourrait bien faire figure de cadeau empoisonné...

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Un œil sur Moscou – Comment la Russie se prépare a accueillir sa Coupe du monde ?

 

Interview SMS d'Aly Keita, journaliste-Correspondant sport basé en Russie depuis décembre 2016.

Qui sont ces supporters qui pourraient tout gâcher?

Les scènes de violences de Marseille, l'administration Poutine n'en veut pas. Des mesures ont été prises pour dissuader les hooligans de venir gâcher la fête. Le problème est pris au sérieux, mais attention la violence a toujours su s'adapter à l’amélioration des dispositifs de sécurité, comme le précise Nicolas Hourcade, sociologue et spécialiste des supporters de football : « Les accrochages entre supporters et policiers ou stadiers se sont multipliés, les violences entre supporters se sont déplacées dans l’espace et dans le temps. Les plus radicaux planifient désormais leurs affrontements pour échapper à la police ».

 

            Le phénomène est particulièrement prégnant en Russie, les hooligans russes ont d'ailleurs annoncé que la Coupe du monde serait une fête du football et de la violence... Mais qui sont ces groupes qui pourraient venir polluer le bon déroulement de la compétition ?

 

Qui sont les supporters extrêmes ?

 

            Peut-on réaliser le profil type du hooligan ? Pas si facile. « Généralement les supporters violents sont jeunes, entre 16 et 35 ans et sont issus de milieux sociaux très variés », note Nicolas Hourcade. Exit donc le cliché d'un individu qui vient d'un milieu difficile... la réalité est encore un peu plus complexe, puisque « beaucoup sont bien insérés socialement et n’ont recours à la violence que dans ce contexte en particulier ».

 

            Est-ce à dire que le football n'est qu'un simple prétexte pour les laisser exprimer la violence qui sommeille en eux ? Encore un cliché. Pour Nicolas Hourcade, « la plupart d’entre eux ont une double passion : d'une part pour le football, leur club et, d’autre part, pour leur groupe de supporters ». Cependant le volet sportif n'intéresse pas tout le monde. « L'évolution du hooliganisme a fait que des professionnels de la violence, totalement désintéressés par le football, se sont immiscés dans les groupes ».

 

« J'aime me battre »

 

            Pas tous des supporters, leur point commun c'est plutôt la bagarre. Ces groupes de jeunes sont très entraînés (ceux de Marseille avaient entre 25 et 35 ans N.D.L.R.) et hyper organisés. L'organisation, c'est d'ailleurs ce qui fait leur grosse différence. Durant les événements violents de Marseille, certains Russes sortaient de leurs véhicules pour le simple plaisir de se battre l'espace de vingt à trente secondes avant de repartir comme s'il ne s'était rien passé.

 

            Cet été, la plupart de ceux qui se sont battus à Marseille ne pourront pas accéder aux stades. Renforcement de la sécurité oblige. Cela fait d'ailleurs plusieurs mois qu'aucun événement significatif n'a été signalé. Sans doute les menaces du Kremlin en ont refroidis quelques uns... D'autres, les plus déterminés, s'organisent des petits fights, en forêt, loin du regard des forces de l'ordre.

Pour Vladimir Poutine, accueillir les événements sportifs est un formidable moyen de montrer une image positive de la Russie./Crédits Le Studio @Flickr.

Alexander Shprygin, l'homme qui a fait les frais des incidents de Marseille

Il était le visage des supporters russes lors du dernier Euro de football en France, deux ans après Alexander Shprygin ne sait pas s'il pourra, ou non, assister à un match de la Coupe du monde dans son pays.

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            Après le retour de ses supporters, le gouvernement Russe s'est montré clair : il n'endossera pas la paternité des exactions commises dans les rues de Marseille... Fermeté de rigueur, alors que le monde du ballon rond pose les yeux sur le pays qui doit organiser la prochaine Coupe du monde de football. Les sanctions ne se font pas attendre, car quiconque se permet d'écorner l'image du pays à l'étranger doit s'attendre à en payer le prix. Alexander Shprygin a passé quelques heures derrière les barreaux, sans conséquences, mais il a surtout perdu ce à quoi il tenait le plus : la présidence de l'Union russe des supporters. D'ailleurs, à cette occasion l'association a perdu toute sa légitimité auprès de la Fédération. Elle qui faisait partie du comité d'organisation de la Coupe du monde a fini par être dissoute et ses membres placés sur liste noire. « Je ne suis pas certain que nous pourrons assister à la moindre rencontre de notre Coupe du monde », regrette t-il. Son rôle dans les tribunes et auprès des supporters s'écrit en pointillés. « Lorsque j'ai pris la présidence de l'Union des supporters russes, il m'était interdit de cumuler cette fonction avec la présidence de l'association des supporters du Dynamo. A Marseille j'ai donc perdu mes deux casquettes », explique t-il.

 

Changement de règles

 

            Passeport des supporters pour la compétition, bannissement des stades en cas de violence… le pays hôte n'a pas fait dans la dentelle pour régler la question du supporteurisme. Un changement de cap qu'il juge normal quelques mois avant le début de la compétition : « Les actions de police sont devenues plus dures ces derniers temps. Il y a eu des perquisitions au domicile de certains supporters, mais  cela serait pareil partout dans ces mêmes conditions. Tout le monde est prévenu, plus aucun  débordement ne sera autorisé ». 

 

Le pays le plus sûr au monde

 

            S'il ne sera peut-être pas de la fête, il n'oublie pas de glisser quelques éléments de marketing pour vendre son pays aux touristes… « Non, il n'y a pas de violence dans la société russe », martèle t-il. « Notre pays est sûr pour les touristes et il le sera encore plus avec le niveau de sécurité lié à la Coupe du monde ».

Alexander Shprygin n'est pas certain de pouvoir remettre les pieds dans un stade (Crédit Capture d'écran Instagram A.Shprygin)

Les hooligans s'intéressent t-ils vraiment au football? / Crédit PT Nilsson on @Flickr

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